Au fil des pages et des chapitres, Roxana-Ema Dreve s’attache à explorer la configuration protéiforme de l’enfance dans sa complexité relationnelle, à identifier les ruptures intergénérationnelles et les filiations (assumées, revendiquées ou rejetées), à examiner les épreuves traumatisantes subies par les protagonistes enfants (le viol, l’inceste, la marginalisation, la guerre, le deuil), à analyser la figure récurrente du père inconnu (absent ou décédé) et les différentes typologies des personnages enfants ou adolescents, qui peuplent l’univers romanesque des deux auteurs : l’orphelin, le camarade (ami d’enfance ou copain), le chercheur d’aventure, l’enfant mystique. Le champ d’investigation s’élargit, dépasse la matrice familiale pour donner lieu à des développements analytiques ou à des encadrements contextuels solidement documentés (historiques, géo-politiques, culturels), pour jeter des passerelles entre le vécu biographique, le travail de la mémoire et les créatures fictionnelles habitant le monde imaginaire. « Je crois que mon père est la matrice de mes personnages », avoue Göran Tunström, soulignant ainsi, à travers son attachement à la figure paternelle – hélas ! précocement disparue – la posture du père doublement créateur : de sa propre vie et de celle de ses personnages. Le Clézio a vécu, lui aussi, une expérience similaire et ses romans reprennent, par un effet de miroitement, la figure paternelle in absentia.
Au terme de ce laborieux périple-lecture, mené avec rigueur et clarté, Roxana-Ema Dreve apporte un éclairage nouveau sur l’écriture de Le Clézio et de Tunström, sa démarche critique, nourrie par de nombreuses autres lectures, lui permettant de saisir dans un ensemble cohérent les multiples facettes de la configuration fractale de l’enfance, tant il est vrai que, comme le disait Eugène Ionesco, « nous sommes tous les fils de nos lectures ».
Rodica Lascu-Pop
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