Les ombres de l’histoire. Philippe Jaccottet et la sensibilité historique d’un projet littéraire

« On pense à des histoires, à l’Histoire – si violente – en regardant l’herbe éternelle, fraîche, qu’on va faucher, ou qui séchera. » (Philippe Jaccottet)

En 1975 déjà, Philippe Jaccottet, poète suisse romandcélébré par le monde littéraire contemporain surtout pour son écriture lumineuse et transparente, à l’abri des métaphores et de la violence surréaliste, invitait son public à une lecture en palimpseste de ses descriptions de paysages.

À l’Ouest de l’Éden : vivre en Occident se traduit, chez Jaccottet, par habiter un Occident intérieur qui le pousse à chercher perpétuellement, à la manière du mythique Orion de Nicolas Poussin, un Orient originaire. C’est pourquoi la Grèce ou la Russie seront moins, pour Jaccottet, des référents géographiques situés sur une carte réelle que des noms qui font rêver, qui ouvrent « la magique profondeur du Temps » pour convertir la lumière crépusculaire d’un monde menacé de disparition en durée heureuse. Entre oubli et dénégation, refoulement et refus, innocence et mémoire, l’écriture jaccottéenne récupère l’histoire de l’humanité afin de parvenir à la réconcilier avec elle-même.